Trois mois se sont désormais écoulés depuis l’atterrissage à Orly et, malgré nous, lentement mais inexorablement, la « vie parisienne » a repris toute sa place. Une fois les retrouvailles familiales, amicales et professionnelles passées, il y a clairement un gros « coup de mou » moral. Longtemps, pour Isa et moi, le sentiment aura été : « mais qu’est-ce qu’on fait là !!! ». Mais, il aurait fallu s’y attendre car sauf à partir pour vraiment changer de vie, voyager pendant un an et revenir à son point de départ ne fait que mettre en pause la vie que l’on avait avant.
A l’inverse, les enfants sont heureux d’avoir retrouvé leurs habitudes, leurs copains, leur école et ne veulent pas entendre parler d’un nouveau départ. La réadaptation aux horaires scolaires n’a posé aucun problème et leur niveau n’a pas du tout été affecté par cette année à distance.
Du fait de notre retour pendant les vacances d’été, beaucoup de personnes l’ont comparé à leur propre retour de congés. Mais, cela n’a vraiment rien à voir. Un retour de vacances signifie généralement la reprise d’habitudes juste mises de côté. Un tour du monde aussi long vous a fait changer de vie, de rythme, de priorités. Revenir signifie non seulement de nouveau un changement de vie complet à assumer mais en plus s’assimile à un retour en arrière. Il faut repasser d’une vie quasi-idéale, libre, passionnante, à une vie plus routinière, monotone et parsemée de contraintes. Et quand bien même c’est la vie « normale », il est compliqué de reprendre la vie d’avant après avoir connu « ça ».
Mais un tel voyage doit pouvoir se refermer, il faut savoir tourner la page pour en garder le meilleur (mais bon, franchement, c’est dur !!).
Moralité, le retour se doit d’être anticipé et préparé.
Pour l’instant, faute de nouveau projet ou de nouvelle « carotte », nous semblons avoir perdu cette énergie incroyable qui, pendant une année, nous a fait vivre si intensément et réaliser des choses fantastiques. Aujourd’hui, il y a clairement un manque de peps, d’envie. Facteur aggravant, alors que nous « mourons » d’envie de revivre notre aventure en la partageant, il est quasi-impossible d’en parler même avec les très proches car il semble que ce soit une expérience impossible à comprendre si elle n’est pas vécue. La plupart du temps, nos interlocuteurs posent deux, trois questions (souvent les mêmes : quel est ton meilleur souvenir, le pays que tu as préféré ?), éventuellement, on retrace notre parcours mais rapidement, la conversation bifurque vers les petits soucis quotidiens.
Les seules fois où nous avons pu nous retrouver dans notre voyage et dans les émotions, c’est en partageant des moments avec d’autres tourdumondistes. Les histoires, le vécu, les sentiments, les envies sont alors communs et peuvent se partager. De façon évidente, une telle expérience fait rêver mais elle ne peut être comprise si elle n’est pas vécue.
Les relations avec les autres sont aussi devenues compliquées. Pendant un an, nous avons croisé des regards surpris, parlé avec des gens avides de nous connaître, de savoir d’où nous venions, ce que nous faisions là. Certains nous ont même invités chez eux et les simples « bonjour » étaient systématiquement retournés avec un grand sourire. Forcément, ce qui nous choque le plus depuis notre retour, c’est l’agressivité permanente et la tension qui règnent en région parisienne. Le moindre écart, le moindre regard, la moindre remarque peut rapidement tourner à l’insulte voire à l’agression alors que pas une fois pendant notre tour du monde, nous n’avions ressenti la moindre animosité. Il y a aussi l’indifférence et l’individualisme accentués par une certaine peur de l’autre alors qu’au cours de notre voyage, il était si simple de rencontrer et de discuter avec de parfaits inconnus.
Dans un de mes derniers billets, j’écrivais que je ne pensais pas avoir changé mais finalement, je me rends compte que j’ai terriblement changé. D’ailleurs, comment pourrait-il en être autrement ? Une partie de moi est définitivement restée ailleurs. Dans le désert australien ? Sur une plage de Polynésie ? Près d’une montagne Néo-Zélandaise ? Je ne sais pas, mais ce que je sais, c’est que nous ne voyons plus les choses comme avant. Les petites choses qui agaçaient tant, indiffèrent aujourd’hui. Je prends les choses avec plus de recul et je relativise bien mieux. Je sais qu’il existe une autre vie, plus simple, plus saine et je vais essayer de la retrouver dans ma vie de tous les jours.
Il y a eu récemment un reportage très intéressant sur David Beckham qui, avec des amis, s’est offert un road trip en Amazonie où il a rencontré des gens simples ayant une vie simple. Comme lui disait une de ses rencontres : « notre vie est simple mais elle est heureuse, nous n’avons que des besoins (manger, dormir, aimer) pas de désirs ». Cela a brusquement fait remonter des émotions un peu enfouies.
Il a longtemps été difficile, voire même impossible, de se plonger dans les photos sans ressentir une certaine mélancolie. A chaque fois, c’était la boule dans la gorge et limite les larmes aux yeux. Cette période est désormais passée et nous travaillons sur des albums, des vidéos voire même peut être plus tard sur un livre. Le tri des photos permet de revivre tous les moments forts et parfois oubliés. A ce titre, la mémoire est incroyable : sur certaines photos, nous sommes même capables de dire quelle chanson passait à la radio.
Sauf à gagner au loto ou a vraiment tout lâcher, il est impossible de prolonger indéfiniment une telle aventure. Il faut donc arriver à se satisfaire d’avoir pu vivre cette expérience si exceptionnelle et se projeter vers d’autres projets. Désormais, nous allons nous concentrer sur les études des enfants, sur nos parents mais aussi, et c’est incontournable, sur le prochain voyage …